Corrèze : La "taxe lapin", une bonne idée sur le territoire ?
29 avril 2024 à 14h35 par Hugo Kucharski
Depuis plusieurs mois, le Gouvernement évoque la mise en place d'une "taxe lapin", afin de réduire le nombre de rendez-vous non-honorés pris chez les professionnels de santé. Mais la Corrèze est-elle touchée par ce phénomène ?
Depuis maintenant quelques mois, le Gouvernement a évoqué la mise en place d'une potentielle "taxe lapin". Le but ? Pénaliser les patients qui n'honorent pas des rendez-vous pris auprès des professionnels de santé. Un sujet qui fait grandement débat, que ce soit du côté citoyen ou même du côté des professionnels de santé. Mais qu'en est-il de la situation en Corrèze ?
Les médecins dits "spécialistes" plus sujets aux lapins
Selon Jean-Marie Chaumeil, président du Conseil de l'Ordre des Médecins de la Corrèze et ancien médecin généraliste, le phénomène semble beaucoup plus toucher les médecins dits "spécialistes". "Je pense que le département de la Corrèze reste rural, donc je crois que globalement on est pas dans des chiffres très très élevés. Ça touche plus probablement les médecins dits spécialistes par rapport à ceux spécialistes en médecine générale. Les généralistes ont une relation privilégiée avec leur patientèle, surtout en milieu rural. Mais en milieu plus urbanisé et avec les autres spécialités, on a plus de problèmes. Je pense que de toute façon le problème va s'accroître dans le futur, donc il faudra prendre des mesures", explique l'ancien médecin généraliste.
Selon lui, ces rendez-vous non-honorés peuvent être dommageables pour les médecins, mais pas seulement. "C'est une perte de temps de travail. S'il y avait eu une approbation en amont, on aurait pu remplacer le patient absent par un autre... Mais souvent, on n'est même pas prévenus en avance. C'est aussi dommage pour les patients, quand on sait qu'on a souvent des délais avant consultation très longs".
Les plateformes de prise de rendez-vous au coeur du problème ?
Mais alors, comment expliquer cette augmentation des lapins posés par les patients ? Selon Jean-Marie Chaumeil, les causes sont multiples. "D'abord, c'est lié à une dégradation des relations sociales. Ça touche la médecine comme beaucoup d'autres domaines. Les gens deviennent de plus en plus égoïstes, et ne pensent pas à l'intérêt collectif et public". L'arrivée de plateformes de prise de rendez-vous en ligne, telles que Doctolib, pourraient aussi avoir un impact dans l'augmentation de ces lapins. "Probablement que les patients prennent des rendez-vous sur ces plateformes comme ils veulent, et je pense qu'ils ont tendance à prendre plusieurs rendez-vous, conserver le plus près, et oublier d'annuler les autres".
"Il faut tenir compte aussi d'une relation médecin-patient qui est aussi en train de se dégrader. L'évolution des médecins et des patientèles font qu'on sera de plus en plus exposés à ces manquements... et c'est un peu dommage".
"Les médecins ont toujours refusé d'être des policiers par intérim"
Mais alors, comment mettre en place une telle taxe ? La question mérite d'être soulevée. Car pour l'instant, tout reste encore flou, alors que le projet n'a simplement été qu'évoqué par le Gouvernement. "Je pense que c'est une bonne idée", se positionne Jean-Marie Chaumeil. "Ça permettra de réduire les rendez-vous non honorés. Mais sous quelle forme ? Il faudrait pister les patients qui ont pris rendez-vous… Et aussi les faire payer. Est-ce qu'on pourra le faire via la carte vitale, ou via un forfait payé en amont lors de la prise de rendez-vous ? Ça demande à être mis en forme pour que ce soit efficace et que ça puisse aboutir à des résultats".
"La médecine, ce n'est pas un commerce comme un autre. Je crois qu'il faut essayer de préserver cette relation privilégiée qui doit exister entre le médecin et son patient".
Cependant, le Président de l'Ordre des Médecins de la Corrèze a tenu à nuancer le propos. Car en effet, certains praticiens sont totalement contre la mise en place de cette taxe, qui pourrait être trop intrusive pour les patients... Entre autres raison. "Ça peut se comprendre, parce que les médecins ont toujours refusé d'être des policiers par intérim. Quand on reçoit un patient, on ne lui demande pas son identité. On le soigne quel qu'il soit, quel qu'il puisse être. Évidemment, c'est un peu réberbatif d'être obligé de prendre des sanctions vis à vis d'un patient, car la relation doit être une relation de confiance, réciproque de respect et il faudrait préserver ça. C'est surtout ça le problème, en réalité", conclut l'ex-médecin généraliste.