Robert Hébras, le dernier survivant du massacre d’Oradour-sur-Glane, est décédé ce week-end
13 février 2023 à 6h12 par Denis Surfys
Robert Hébras, dernier survivant du massacre d’Oradour-sur-Glane, s’est éteint samedi 11 février 2023 (à 6h15), au centre hospitalier de St Junien. Passeur de mémoire, artisan de paix et de réconciliation, il aura consacré sa vie au souvenir des 643 victimes de la tragédie du 10 juin 1944.
Européen convaincu et engagé, il a œuvré au rapprochement des peuples français et allemands en tissant des liens étroits avec la jeunesse de ces deux pays. Au cours des dernières années, Robert Hébras, à peu à peu, transmis le relais à sa petite-fille, Agathe, pour qu’elle fasse vivre, à son tour ce devoir de mémoire.
Dès l’annonce de son décès, les réactions ont été nombreuses.
Emmanuel Macron (président de la République)
Jean-Claude Leblois ( président du conseil départemental de la Haute-Vienne)
"Le 10 juin 1944, il est parvenu à s’échapper de la grange Laudy, en feu, après avoir été protégé des balles par les corps de ses camarades. Un drame, celui de sa vie, qui a toujours résonné en lui. Malgré l’atrocité des faits, qui deviendront un symbole de la barbarie nazie, c’est un récit factuel et sans pathos qu’il a inlassablement partagé, par l’écriture dans des livres, mais aussi de vive voix à des groupes scolaires, des journalistes, des politiques... Robert Hébras a ainsi porté au monde entier l’histoire de son petit village haut-viennois. Et c’est avec force et vigueur que l’enfant du pays n’a cessé de mener ce combat pour la reconnaissance et la mémoire du village martyr et de ses 643 victimes.
Robert Hébras a toujours mis un point d’honneur à transmettre des messages de paix, d’acceptation, de vivre ensemble et de partage de culture, notamment auprès des jeunes générations. On retiendra de lui un homme simple, un européen convaincu et engagé. Il y a encore quelques mois, l’infatigable passeur de mémoire qu’il était continuait à arpenter les ruines du village qu’il connaissait si bien.
Aujourd’hui, c’est une page de notre histoire commune qui se tourne. C’est un grand homme, un grand témoin de l’histoire, un artisan de la paix qui est parti. En nos noms personnels, au nom du Conseil départemental, et au nom du Centre de la mémoire d’Oradour, nous tenons à rendre hommage à Robert Hébras pour lequel nous éprouvions un profond respect et adressons nos plus sincères condoléances à sa famille, à ses proches, ainsi qu’aux membres de l'association nationale des familles des martyrs d’Oradour-sur-Glane".
Emile Roger Lombertie (maire de Limoges)
"C’est avec une vive émotion et une grande tristesse que le maire de Limoges Emile Roger LOMBERTIE a appris ce matin le décès de Robert HEBRAS, dernier survivant du massacre d’Oradour sur Glane le 10 juin 1944.
Il n’a eu de cesse de témoigner de notre histoire commune, meurtrie par la guerre, et restera l’incarnation de notre devoir collectif de lutter contre la barbarie humaine. Il a vu et vécu l’indicible et pourtant, cet inlassable passeur de mémoire a eu à cœur tout au long de sa vie, de porter auprès de la jeunesse le message de paix et de liberté.
Nous avons la mission de poursuivre son engagement et de perpétuer son témoignage. Robert HEBRAS avait accepté avec émotion en octobre dernier, de donner son nom à un centre multigénérationnel qui verra le jour prochainement à Limoges. Nous aurons à cœur d’expliquer aux plus jeunes la vie et le parcours de cet indéfectible défenseur de la réconciliation et de la tolérance.
Au nom de la municipalité et des limougeauds, Emile Roger LOMBERTIE présente ses plus sincères condoléances et sa compassion, auprès de sa famille aujourd’hui dans la peine".
Pierre KRAUSZ (Président du comité local du MRAP Limoges Haute-Vienne)
"Indispensable a été la parole de Robert Hébras, qui vient de s’éteindre à 97 ans, ce samedi 12 février 2023. Un homme frappé dans sa chair et dans son esprit par le plus grand massacre de civils de la Seconde Guerre mondiale en France. Le 10 juin 1944, à Oradour-sur-Glane, dans son village cerné par une compagnie de la division SS Das Reich, le jeune mécano de 19 ans réchappe aux tirs et aux flammes de la grange Laudy, avec une poignée de compagnons. Il en était le dernier survivant. Il n’apprend qu’un peu plus tard le sort de sa mère et de ses soeurs exterminées dans l’église avec les femmes et les enfants. De ce drame personnel il n’a jamais trouvé consolation et garda longtemps le silence. Il s’est reconstruit et a pu mener sa vie familiale et professionnelle dans la discrétion jusqu’aux années 1980. En 1983, trente ans après avoir témoigné au procès de Bordeaux (à l’issue controversée, en raison de l’amnistie de certains accusés), il a exposé de nouveau son épreuve devant un tribunal de Berlin-Est, au procès tardif d’un officier SS.
La portée de son témoignage s’élargit en 1985, lorsque, invité par l’ancien chancelier Willy Brandt, il participe à une « Conversation pour la paix », à Nüremberg, dans cette ville symbolique, souillée par les parades nazies et choisie pour juger les crimes du nazisme. Désormais, Robert Hébras ne cessera de porter un message de réconciliation avec le peuple allemand, sans pardon pour les nazis. Dire les faits dans leur vérité, sans haine ni oubli, rappeler et sauvegarder la mémoire des 643 victimes, cela sera sa préoccupation constante, son viatique. Il s’est adressé en priorité aux jeunes français et allemands pour les exhorter à la vigilance. Jusqu’à ces derniers mois, avec une disponibilité et une vitalité qui inspiraient l’admiration, il répondait à d’innombrables sollicitations. Son engagement lui a valu des honneurs mérités de la République française et de la République fédérale d’Allemagne.
Sa voix doit trouver aujourd’hui un écho, pour dénoncer les rejets négationnistes et les crimes de guerre commis en Ukraine, en Syrie, en Afrique. Le MRAP-Haute-Vienne salue sa contribution à la vérité historique d’un régime raciste et ses efforts en faveur de l’amitié entre les peuples ; il partage le deuil de sa famille et lui exprime son soutien".