Une famille de sourds en provenance d’Ukraine accueillie en Haute-Vienne
25 mai 2022 à 17h41 par Johan Detour
Comme des millions d'Ukrainiens, Anton Topchiiev a parcouru des milliers de kilomètres pour échapper à l'indicible. Il fait partie des 514 premiers réfugiés ukrainiens accueillis en Haute-Vienne.
Atteint de surdité depuis toujours, impossible pour Anton de prendre les armes comme la majorité des hommes de son pays. Contraint de fuir la guerre avec sa femme et leurs deux enfants, Anton trouve refuge à Aixe-sur-Vienne. Tous sont alors généreusement accueillis chez Marie Rouanet, interprète en langue des signes (LDS) française. Sans oublier la petite chienne Mila, « les oreilles de la famille ». Car en effet, tous les quatre sont sourds : « On ne parle pas exactement la même langue mais on arrive à se comprendre. On a des stratégies de communication et les LDS sont basées sur des grammaires assez proches » résume Marie Rouanet. Avant de commencer à mettre des mots sur les gestes d'Anton.
Un long périple
« Nous sommes partis du nord de la Crimée en voiture mais elle est tombée en panne à Lviv. C'est là que nous avons pris un bus pour l'Allemagne » explique Anton Topchiiev. Une fois en sécurité mais n'ayant pas vraiment le temps de la réflexion, la famille choisit la France, conseillée par des amis. « En Ukraine, des villes entières ont été rasées... Il ne reste plus rien » lâche Anton, meurtri. Il sait que toute la famille revient de loin, l'école des enfants a d'ailleurs été « l'une des premières bombardée par l'armée russe ».
Au delà des barrières
Anton est certes sourd, mais son handicap ne l’a jamais empêché de travailler. Ce véritable touche-à-tout, très à l’aise avec le bricolage, a été recruté pour renforcer l’effectif du service technique de la Communauté de communes Val de Vienne, qui souffre de plusieurs absences. Un premier contrat d’un mois a été proposé à Anton pour se charger de petits travaux d’entretien. « Marie Rouanet nous a expliqué la situation en évoquant les nombreuses compétences d’Anton et la possibilité pour lui de travailler en France. Nous avions un besoin immédiat aux espaces verts et Anton correspondait parfaitement aux attentes. C’est donc très naturellement que nous avons proposé notre aide » explique Philippe Barry, président de la collectivité.
« Le fait de travailler me fait vraiment du bien. En Ukraine, je réparais des voitures, je faisais de la plomberie ou de la menuiserie » poursuit Anton, dont les compétences ont rapidement été reconnues par ses nouveaux collègues. « Il est sympathique et travaille bien. Il s’est bien intégré, on arrive toujours à se comprendre malgré la barrière de la langue » note Christophe, son collègue de travail.
L’intégration se poursuit
« J’apprécie vraiment que les élus aient tout de suite eu confiance... Il travaillait déjà en Ukraine, il avait l’habitude de communiquer avec des entendants, et ça, les élus l’ont tout de suite compris » se réjouit Marie Rouanet. Car penser qu’Anton Topchiiev ne serait pas capable de comprendre ce qu’on va lui demander, « ce sont des impressions d’entendants. Les gens se demandent comment ils vont parvenir à communiquer avec un sourd. Sauf que pour lui, c’est son quotidien. Les sourds ont l’habitude d’être au contact d’entendants, ils ont des facultés d’adaptation qu’on n’imagine même pas » assure Marie Rouanet.
Alisa, 11 ans, et son petit frère Danil, 5 ans, sont scolarisés à Limoges à l'école Montessori Chrysalides, avec plusieurs autres enfants sourds : « Les professeurs sont habitués et formés à leur handicap. Les équipes font du bon travail, il faut saluer leur implication » insiste Marie Rouanet. Alisa et Danil ont désormais de nouveaux petits camarades de jeu et sont ravis de retourner enfin en classe.
Alina, la maman, envisage d’appendre à lire et à écrire le Français pour pouvoir travailler elle aussi. Mais pas avant d’en avoir fini avec les nombreuses démarches administratives qu’impliquent sa condition de réfugiée.
« En Ukraine, je travaillais tout le temps. J’ai eu de nombreuses expériences professionnelles, dont très souvent avec des entendants. Si l’on me montre, que l’on me fait voir qu’il faut percer à tel endroit, installer une étagère ici ou là, il n’y a pas de souci ! Je suis dans le visuel mais il ne faut surtout pas compter sur mes oreilles en tout cas »,
sourit Anton Topchiiev, malgré l’épisode tragique qu’il vient de vivre. Car Anton et sa famille ne sont pas là pour le plaisir : ils ont dû tout quitter, laissant maison et travail sous les bombes russes.
En quête d'un logement
Les Topchiiev sont hébergés depuis plusieurs semaines chez Marie Rouanet. La famille ukrainienne, très reconnaissante envers leurs hôtes, aspirent à plus d’autonomie et cherchent une maison ou un appartement. Si jamais vous pouvez apporter votre aide, n’hésitez pas à contacter la Communauté de communes Val de Vienne au 05.55.70.05.69.
Crédit photo : Communauté dec ommunes Val de Vienne